Attention à ta tête
attention à tes coudes
soyons alertes car nous entrons
en haut lieu de perdition
un endroit assez effrayant pour que Günter
n’y ait jamais mis les pieds
nous arrivons désormais
au skatepark des clowns.
Chaque après-midi
pirouettent les perruques
et s’écrasent les nez
toutes les débarques sont permises
et se font trébucher entre elles à la longue
tu remarqueras là-bas
Gripette la doyenne des clowns
qui s’éternise dans le half-pipe toute la journée
ses cheveux autrefois bien coloriés
ont attrapé un coup de vieux
ont tiédi comme une gomme balloune
trop mâchée par le vent
chevelure grisée silver platine
Gripette n’a toutefois rien perdu
de son sens du péril
elle pousse allègrement les autres clowns
pour faire éclater en morceaux
tant les rires que les rouli-roulants.
Il y aura toujours ici
des comiques ou des piétons
en train de se faire mal
au skatepark des clowns
où il ne suffit pas de savoir rire
pour manger un rail dans le front
et si certaines et certains clowns
apportent des marteaux-ballons
c’est pour mieux vous faucher
et que vos sourires pianotent
sur l’asphalte une rigolade en ragtime.
Le skatepark des clowns
est un endroit horrible ça se voit
mais on y trouve aussi parfois
une sorte de plaisir
à venir rire avec le danger
avec la déflaboxure du cœur.
jusqu’à ce que la vie et la mort ne soient plus
que les pendants d’un même kickflip
et ce n’est pas pour rien
qu’en guise de voisin
a été inauguré en face
le Musée des blessures.
Timothée William-Lapointe et Baron Marc-André Lévesque, « Le skatepark des clowns », Verdunland, Montréal, Éditions de Ta Mère, 2020, p. 69-70.